Fonction publique dans l’UEMOA : Les diplômés se multiplient, l’accès très difficile aux concours

Le 23 juin, la Journée mondiale de la Fonction publique invite à jeter un regard lucide sur la situation des administrations nationales dans l’espace UEMOA. Dans cette région, où la croissance démographique ne faiblit pas, la fonction publique demeure un employeur essentiel, mais la réalité des chiffres traduit des évolutions en dents de scie sur ces cinq dernières années.
Entre 2020 et 2025, la population de l’UEMOA est passée de 130,8 millions à près de 145 millions d’habitants, selon les estimations de la BCEAO. Cette poussée démographique s’accompagne d’une augmentation du nombre de diplômés. Chaque année, les universités publiques et privées de l’Union délivrent plusieurs centaines de milliers de diplômes.
La réalité de l’accès au fonctionnariat
En Côte d’Ivoire, par exemple, le nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur a dépassé 300 000 en 2023. Au Sénégal, ils étaient environ 230 000 à la même période, tandis que le Burkina Faso et le Mali affichaient respectivement 120 000 et 110 000 étudiants dans leurs universités publiques. Pour autant, la transition entre l’université et l’emploi public s’avère laborieuse.
Les taux d’insertion des diplômés dans la fonction publique stagnent autour de 15 à 20 %, selon les rapports régionaux, alors que la majorité des nouveaux diplômés doivent s’orienter vers le secteur privé ou l’auto-emploi. Cette situation génère une forte pression sur les concours administratifs, perçus comme l’une des rares voies d’accès à un emploi stable.
Réduction progressive des recrutements
Face à la progression rapide de la masse salariale et aux contraintes budgétaires, les États membres de l’UEMOA ont revu à la baisse leurs ambitions en matière de recrutement dans la fonction publique. Entre 2020 et 2024, le nombre de postes ouverts aux concours a connu une diminution sensible dans plusieurs pays.
Au Burkina Faso, les concours directs de la fonction publique, qui proposaient plus de 10 000 postes en 2019, n’en offraient plus que 7 500 en 2023. Au Sénégal, le nombre de recrutements annuels est passé de 6 200 à moins de 4 800 sur la même période. La Côte d’Ivoire, qui avait atteint un pic de 12 000 postes ouverts en 2020, a ramené ce chiffre à 8 500 en 2024. Le Bénin et le Niger suivent la même tendance, avec des réductions de 20 à 30 % des effectifs recrutés par concours sur cinq ans.
Cette contraction s’explique par la volonté des gouvernements de maîtriser la masse salariale, qui représente en moyenne 35 à 40 % des dépenses publiques dans la zone UEMOA. Les audits menés dans plusieurs pays ont également permis de détecter et de radier des milliers d’agents fictifs, libérant ainsi des marges de manœuvre financières, mais sans pour autant relancer massivement les recrutements.
Concours administratifs : Un parcours semé d’embûches
L’accès à la fonction publique, déjà restreint par la baisse du nombre de postes, se heurte à des difficultés notables. Les concours, souvent très sélectifs, attirent chaque année des dizaines de milliers de candidats pour quelques milliers de places. En Côte d’Ivoire, la session 2024 a enregistré plus de 350 000 inscriptions pour moins de 9 000 postes à pourvoir. Au Burkina Faso, près de 200 000 candidats ont tenté leur chance pour 7 500 postes, soit un taux de sélection inférieur à 5 %.
Les procédures d’inscription, désormais largement dématérialisées, posent problème à de nombreux candidats, notamment dans les zones rurales où l’accès à Internet reste limité. Les exigences administratives, la complexité des dossiers à constituer et le coût des frais d’inscription constituent autant d’obstacles supplémentaires. Les délais de publication des résultats et la transparence des processus de sélection sont régulièrement critiqués par les associations de jeunes diplômés.
À cela s’ajoute la concurrence du secteur privé, qui, bien que plus dynamique dans certaines capitales, n’offre pas le même niveau de sécurité de l’emploi ni les avantages sociaux associés au statut de fonctionnaire. Cette situation alimente le sentiment de frustration d’une partie de la jeunesse, confrontée à un marché du travail saturé et à des perspectives d’insertion limitées.
Comment réinventer cet état de fait ?
Face à ces constats, les États de l’UEMOA sont appelés à repenser leur politique de gestion des ressources humaines. Plusieurs pistes sont évoquées : la modernisation des procédures de recrutement, la diversification des profils recherchés, l’ouverture de passerelles entre secteur public et secteur privé, ou encore le développement de nouveaux métiers liés à la digitalisation des administrations.
La formation continue et la mobilité des agents, longtemps négligées, reviennent au centre des priorités. Des programmes régionaux, appuyés par la Commission de l’UEMOA, visent à harmoniser les standards de recrutement et à renforcer les capacités des administrations nationales.
La fonction publique dans l’espace UEMOA se trouve à la croisée des chemins. Entre exigences budgétaires, aspirations de la jeunesse et nécessité de moderniser l’action publique, les prochaines années seront décisives pour dessiner un modèle d’administration capable de répondre aux attentes des citoyens et de soutenir le développement régional.