DGI : deux ans de silence autour d’une caisse sans agrément secouent l’administration fiscale

En Côte d’Ivoire, l’Alliance Nouvelle des Agents de la DGI (ANADGI) et Le Syndicat des Agents des Impôts (SAGI), membres de la faîtière syndicale Coordination Dignité de la DGI, alertent sur le fonctionnement illégal de la CEC-MADGI, une caisse d’épargne interne opérant sans agrément depuis plus de deux ans. L’affaire, désormais entre les mains de la police criminelle, soulève de sérieuses préoccupations en matière de conformité et de transparence financière au sein de l’administration fiscale.
C’est une affaire qui embarrasse les couloirs feutrés de la Direction Générale des Impôts (DGI). Depuis plus de deux ans, une alerte syndicale venue de l’intérieur dénonce une anomalie criante : la Caisse d’Épargne et de Crédit (CEC-MADGI), bras financier de la Mutuelle des Agents de la DGI (MADGI), exerce comme une structure de microfinance sans agrément légal. Une irrégularité persistante qui met à mal l’image de rigueur censée incarner cette institution stratégique de l’État.
"Une activité assimilée à la microfinance"
Dans une déclaration transmise à Linfodrome, l’Alliance Nouvelle des Agents de la DGI (ANADGI), par la voix de son secrétaire général DOUGROU Michaël, tire la sonnette d’alarme : depuis 2023, le syndicat multiplie les relances formelles auprès des autorités compétentes pour faire cesser cette situation jugée dangereuse et illégale. Dans sa démarche d’avertissements des dangers auxquels sont exposés tous les agents de DGI, l’ANADGI s’est faite rejoindre par le SAGI conduit par le secrétaire général national KONAN KOUASSI Antoine, au cours de l’année 2024. Toujours sans réponse.

Le cœur du problème ? Une caisse interne qui gère de l’épargne, octroie des crédits, mais fonctionne en dehors de tout cadre réglementaire. En clair : aucun agrément délivré par la direction de la microfinance, comme l’exige la loi.
Et voilà que l’affaire prend une tournure judiciaire. L’ANADGI et le SAGI révèlent qu’une convocation a été adressée par la Direction de la Police Criminelle au responsable de la CEC-MADGI, M. KOUADIO KACOU Uberson. Cette convocation, selon les syndicats, fait suite aux plaintes qu’ils ont déposées, face au mutisme administratif.
Pour l’ANADGI et le SAGI, il est inacceptable que dans un État de droit, une structure financière continue de fonctionner dans l’ombre, sans régulation ni transparence, et ce au sein même de l’administration fiscale.
« Il est incompréhensible qu’au cœur même d’une institution chargée de collecter les ressources fiscales du pays, une activité assimilée à la microfinance puisse évoluer sans l’aval des instances de régulation », dénonce DOUGROU Michaël, qui souligne que « l’absence d’agrément constitue une faille grave dans la chaîne de conformité, exposant la DGI à des critiques sévères tant sur le plan national qu’international ».
Les syndicats alertent sur les risques systémiques : perte de fonds, fragilisation de l’institution, et exposition de la Côte d’Ivoire à des critiques à l’échelle internationale.
La crédibilité du pays en jeu ?
La Côte d’Ivoire figure en effet depuis 2024 sur la liste des pays sous surveillance du Groupe d’Action Financière (GAFI) et, depuis le 10 juin 2025, sous celle de la Commission européenne. Dans un pays sous surveillance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, ce type de défaillance compromet les efforts de transparence et de gouvernance financière, relève le syndicat.
L’ANADGI et le SAGI en appellent donc à l’intervention urgente du Trésor public, de la BCEAO, de la Direction Générale de la Microfinance et du ministère de l’Économie et des Finances pour rétablir la légalité. Deux options s’imposent : la régularisation immédiate ou la suspension des activités de la CEC-MADGI.
Pour les syndicats, l’heure n’est plus aux courriers ignorés. « Il en va de la crédibilité du pays dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, mais aussi de la sécurité financière des milliers d’agents de la DGI qui placent leur confiance dans cette structure. La situation est grave. Et le silence ne peut plus tenir lieu de réponse », appellent les secrétaires généraux de l’ANADGI et du SAGI.